Une histoire de mots … et d’adjectif

Retour sur la conférence d’automne de la Guilde des plumes

2017, jour de rentrée en terminale. Dans le bus qui m’emmène au lycée, je reçois un mail de ma prof d’histoire-géo, Anne Pédron-Moinard. Elle ne sera pas avec nous pour cette dernière année, elle vient d’être engagée comme plume de la maire de Nantes. Je me rappelle avoir cherché « plume métier » sur Google.  

Cinq ans plus tard, je la retrouve à la conférence d’automne de la Guilde des plumes, qu’elle a fondée et préside depuis bientôt quatre ans. Si les discours nous entourent, parfois même nous inondent, ceux qui les écrivent, eux, sont bien souvent dans l’ombre. Plume politique, plume littéraire, pas vraiment plume à l’origine, plume en devenir… La Guilde réunit pour créer un réseau, nourrir les créativités, renouveler les inspirations. C’était l’objectif de ce vendredi 2 décembre, où une cinquantaine de personnes -plumes politiques, plumes indépendantes ou en agence, chargés de com, auteurs, enseignants, étudiants …- était au rendez-vous.

Plume : objectif et adjectif

Il y a certainement autant de façons d’être plume qu’il y avait de participants à cette journée. Cette rencontre a d’ailleurs été l’occasion d’échanger sur différents thèmes : les mots bien sûr, au cœur de tous les ateliers, mais aussi les supports, les occasions, les styles, les engagements. Comment débuter en tant que plume ? Par où commencer, pourquoi se lancer ? Peut-on faire porter ses mots et ceux des autres sur les réseaux sociaux, se démarquer sans négliger le message ? Comment penser l’écriture inclusive, travailler la forme pour changer les représentations ? A quel point mobiliser son propre imaginaire quand on écrit pour quelqu’un d’autre, même quand le sujet est technique ?

Paradoxalement, le premier sujet -se lancer- a été le dernier de la journée. Apprendre à créer son réseau, nourrir sa plume, asseoir sa légitimité… Anne, que j’ai suivie du lycée à cet atelier, disait justement : « il faut trouver l’adjectif que vous voulez mettre après plume ».

D’autres étudiants, qui comme moi ne sont encore qu’à demi plume ou souhaitent le devenir, venaient aussi découvrir le champ des possibles qu’offre ce métier. Comme eux, je cherche à définir petit à petit mon adjectif.

Parler à qui, écrire pour quoi ?

Plus tôt dans la journée, lors de la table ronde sur la façon dont on peut utiliser les mots pour créer un monde commun, une des questions posées à Solène Thomas et Jérémie Suissa m’est restée en tête : « peut-on parler à tout le monde, et si oui, faut-il le faire ? ».

Longtemps, on m’a reproché de trop parler. J’étais une élève « trop bavarde » d’après mes bulletins. C’est à peu près à la même époque que je me suis mise à écrire. J’ai découvert les ateliers d’écriture dès huit ans, retrouvant, des idées et des histoires plein la tête, une dizaine d’autres qui étaient là pour me raconter les leurs et écouter les miennes. C’est un peu ce que j’ai retrouvé à la Guilde, à la seule différence que cette-fois, ce n’était pas tant d’écrire nos histoires dont il était question, mais plutôt de mettre nos mots au service des autres.

Plume littéraire avant tout, j’avais peur en intégrant Calligramme que ma connaissance lointaine du monde institutionnel et politique ne me fasse défaut. Je fais partie de ceux qui arrivent au métier d’abord par l’écriture. Mais, lors d’une des tables rondes, j’ai découvert le parcours de Sophie Walon, conseillère discours du Président de la République. Elle racontait ses études littéraires en prépa Hypokhâgne, son premier amour pour la philo et le cinéma, son rapport aux livres, aux histoires, et son arrivée à l’Elysée, alors qu’elle ne connaissait rien à la politique et à ses codes. « Dès mon premier jour, on est venu me voir en me disant « On a besoin d’EDL en TTTU pour le PR ». J’ai dit oui, mais je n’avais aucune idée de ce qu’on me demandait. », confiait-elle dans un sourire.

Du haut de ma première année de Master « professionnels de l’écrit », et avec mon bagage littéraire et franco-allemand, cette anecdote m’a confortée dans l’idée que les portes ne sont jamais vraiment fermées, il suffit de les ouvrir. A l’image de ma formation qui tend à former aux métiers de la rédaction, du journalisme à la communication en passant par l’édition, être plume, ça n’est pas qu’écrire. C’est savoir se faire écrivain, chercheur, conseiller, à travers les mots d’un autre. On est parfois plus l’un que l’autre, selon son adjectif, comme le disait si bien Anne. Au gré des rencontres et des échanges, le mien se dessinera, comme celui des autres.