Prix du livre allemand : Kim de l’Horizon, quand le neutre l’emporte

Qui dit octobre dit rentrée et prix littéraires. Et, bien sûr, qui dit prix littéraire dit Annie Ernaux. Nombreux sont ceux qui ont déjà écrit des articles, posts et textes en tout genre sur Annie Ernaux, son prix Nobel, sa vie, son œuvre. Si bien qu’on oublie parfois que, cet automne, d’autres prix littéraires sont décernés.

Neutralité suisse (et allemande)

Début octobre, c’est Kim de l’Horizon, écrivain.e suisse non-binaire, qui remportait le Prix du livre allemand pour son roman Blutbuch  (littéralement « le livre de sang – comprenez aussi « sang » dans le sens de lignée).  Si ce roman ouvre la voie à de nouvelles façons de se raconter, d’écrire et de concevoir la langue et les genres (ou justement, de ne pas concevoir le genre), il pose aussi des questions de traduction.

Il faut dire que les germanophones se heurtent à moins d’obstacles que nous pour rendre leur langue moins genrée, voire pas genrée du tout quand c’est nécessaire : pronom et déterminant neutres – « es » et « das » -, pas d’accord en genre de l’adjectif, et des « mots-valises » qui semblent s’imbriquer à l’infini et qui rendent bien plus simple l’utilisation de périphrases.

Hésitations françaises

En Français, si le pronom « iel » commence à être utilisé, il peine à se faire une place dans les écrits institutionnels et la littérature. L’accord des adjectifs et le masculin qui s’impose comme « neutre » donnent du fil à retordre aux traducteurs lorsqu’il s’agit de n’utiliser ni le féminin ni le masculin.

La traduction française n’est pas encore publiée, mais déjà les journaux français hésitent entre « l’auteure non-binaire Kim de l’Horizon, e en Suisse », « la lauréate du Prix du roman allemand » (Le Figaro) , et « Kim de l’Horizon auteur non-binaire » (Editions actu).

Pourtant, du côté français, certains écrivains francophones font aussi de notre langue leur terrain de jeu, pour remettre en question les normes genrées de la langue et pour interroger les stéréotypes. Dans son roman L’école des soignantes, Martin Winckler utilise ainsi le genre féminin comme genre dit neutre et dominant.

La vie sans E

Georges Perec s’était donné comme contrainte d’écrire un roman entier – La Disparition – sans utiliser la lettre E -soit la plus courante du lexique français. Cinquante ans plus tard, la contrainte est différente, mais il est toujours question de savoir si on met un E ou pas.